ACEA appelle à corriger le cap du futur paquet automobile européen
Sigrid de Vries formule cinq recommandations clés pour un cadre réaliste
Sigrid de Vries, Directrice générale de l’ACEA, rappelle que l’industrie automobile européenne ne cherche pas à revenir au moteur thermique. "Non, l’électrification reste la voie du futur." Malgré plus de 300 modèles électrifiés déjà disponibles et des investissements massifs, les conditions nécessaires pour réussir la transition ne sont pas réunies. Le marché européen n’a pas retrouvé son niveau d’avant la pandémie et manque chaque année environ trois millions de nouvelles immatriculations.
Les États membres tardent à développer les infrastructures de recharge, à renforcer les réseaux ou à offrir des incitations cohérentes. Résultat: les objectifs CO2 pour 2030 et 2035 deviennent irréalistes.
Pour de Vries, il ne s’agit pas d’un recul, mais d’un appel à un cadre "plus intelligent et plus pragmatique", aligné sur les réalités de la mobilité, de la sécurité économique et de la compétitivité mondiale.
Cinq recommandations clés pour le futur Automotive Package
1) Une approche différenciée pour voitures, utilitaires et poids lourds
Les segments évoluent à des rythmes différents. Une approche en "trois voies" est donc nécessaire.
Les utilitaires légers, essentiels aux PME, nécessitent davantage de flexibilités et des objectifs CO2 ajustés. Pour les poids lourds, une révision accélérée de la réglementation CO2 et des mesures pour éviter des pénalités injustifiées sont indispensables.
2) Un cadre CO2 flexible et ouvert aux technologies
La réglementation actuelle cible trop l’offre et trop peu la demande.
L’ACEA plaide pour davantage de flexibilité afin d’éviter des sanctions massives et pour ne pas exclure des technologies fonctionnant sur des énergies renouvelables, comme les PHEV, les prolongateurs d’autonomie ou l’hydrogène.
Les réductions CO2 obtenues dans la chaîne d’approvisionnement devraient également être prises en compte, tout comme le renouvellement accéléré du parc, sachant que 30% des voitures européennes ont plus de 20 ans.
3) Un soutien accru à la demande
Les choix des consommateurs dépendent du coût total de possession, de la fiscalité, du prix de l’électricité et de la facilité d’utilisation.
Les flottes d’entreprise peuvent jouer un rôle moteur. Pour voitures et utilitaires, les incitations doivent primer sur les mandats. Pour les véhicules lourds, les grands donneurs d’ordre peuvent accroître la part des transports zéro émission dans leurs contrats.
Les autorités publiques doivent également montrer l’exemple, tandis que les écarts d’infrastructure créent aujourd’hui une Europe à trois vitesses.
4) Prudence autour du "Made in Europe" obligatoire
L’industrie automobile européenne représente 2,5 millions d’emplois directs et plus de 7,5% du PIB de l’UE.
Si la production locale doit être encouragée, toute exigence de contenu européen doit être progressive, adaptée aux segments et compatible avec les règles commerciales.
La compétitivité reste fondamentale: énergie abordable, procédures accélérées, main-d’œuvre qualifiée et financement pour les batteries conditionnent la capacité de l’Europe à attirer et retenir les investissements.
5) Une simplification réglementaire plus audacieuse
Malgré les avancées de l’Automotive Omnibus, plus d’une centaine de textes réglementaires sont prévus dans les cinq prochaines années.
Dans une industrie aux cycles de développement longs, les calendriers doivent refléter la réalité industrielle. L’ACEA soutient l’initiative visant à relancer la production de petits véhicules abordables en Europe.
Pour certaines réglementations, notamment des volets d’Euro 7, un report est demandé.
Un moment de vérité
Selon de Vries, les enjeux sont évidents: l’automobile est un pilier économique, un moteur d’emploi et un facteur essentiel de mobilité et de prospérité.
Mais "le leadership ne peut pas vivre de l’ambition politique uniquement". Une correction de cap est nécessaire, et le futur Automotive Package constitue un moment décisif pour l’avenir du secteur.
